vendredi 18 mars 2011

AIDANT-E-S SEXUEL-LE-S - Une vraie fausse bonne réponse


une vraie fausse bonne réponse à la question SEXUALITE et HANDICAP

S'il existe une vraie question « SEXUALITÉ ET HANDICAP », il me paraît, en tant que sexologue et directrice d'un centre de formation en sanitaire et social, que l'aidant sexuel[1] est une vraie fausse bonne réponse.

1- C'est la même illusion que les maisons closes
- Organiser un service sexuel payant propre et honnête et satisfaisant : aucun pays à aucune époque n'a jamais réussi ce challenge. [2]
- Penser que si on n’a pas accès spontanément à la satisfaction sexuelle, on peut l’acheter : cela fait la fortune des proxénètes et autres vendeurs de potions du bonheur.

2- Les glissements sémantiques : prostituées, puis caresseurs sont devenus aidants sexuels.
Aider à la sexualité, les personnels de proximité[3] le font : aide au déshabillage, installation dans un lit, conseil sur la contraception, sur une position facilitante, etc.
Pratiquer des touchers sexuels, ce n’est plus aider, c’est passer une limite qu’on appelle le passage à l’acte. C’est cette limite que nous masque le terme policé d’«aidant sexuel».

3- Illusions sur le recrutement des aidants sexuels ...
- On manque de personnel pour accompagner les séjours de vacances et on trouverait du personnel pour pratiquer des touchers sexuels ?
- Quelles sont les motivations des personnes intéressées à agir cette prestation ? Générosité humaine, vocation, intérêt économique, intérêt sexuel, pathologie ?
- Le mariage, exigé lors du recrutement, n'est pas une garantie de santé mentale et sexuelle : le plus haut risque de violence et de viol est dans la famille !!!
- Les aidants sont surtout des aidante-s. Cette question de genre mériterait un long débat.

4- Comment est évaluée cette pratique de touchers sexuels ?
- A partir de quelques témoignages, cette pratique est présentée comme efficace, infaillible, satisfaisante et sans échec. A l’opposé, les personnels médico-sociaux sont présentés comme démunis, incompétents, nuls et non avenus.
- Si c’est efficace, pourquoi ne pas l’intégrer dans les pratiques des professionnels du secteur ?

5- Faiblesses de la formation des aidants sexuels
- Toucher au corps et au corps sexué, c'est prendre des risques de déclencher des réactions particulières : malaises, évanouissement, anxiété, décompensation, etc. Il semble que l'aspect « faire plaisir » occulte totalement cette réalité médicale. - Ce toucher au corps sexué est aussi porteur d’un risque de projection auquel le donneur semble insuffisamment préparé.
Pour rappel, en France, le DU de sexologie, c'est 231h de formation sur 3 ans à la Faculté de Médecine. (et à ma connaissance, aucun sexologue ni thérapeute ne s’arrête là. Il continue à se former et à se faire superviser tout au long de sa vie professionnelle).

6- Et la déontologie ?
            - Si on lève l'interdit de toucher sexuellement à l'usager, au patient, deux questions se posent :
- pourquoi ne pas limiter cette pratique aux professionnels du médical et du psychologique pour essayer de maintenir une garantie contre les abus ?
- pourquoi ne pas étendre cette réponse à toute personne en souffrance sexuelle ?

7- La protection des personnes vulnérables
- La protection des publics vulnérables contre les abus sexuels et contre les abus économiques reste une préoccupation majeure (lois, chartes, déontologie). Permettre des services sexuels  contre rémunération met parait faire fi de cette dimension « vulnérable » qu’elle soit affective, émotionnelle ou intellectuelle ou mentale. (Les personnes handicapées sont souvent grugées par des prostituées, des bars à hôtesses...)

.../...
8- Une démarche étayée sur quelques idées fausses
- les hommes ont des besoins irrépressibles
- l'érection exige pénétration et éjaculation
- la frustration sexuelle génère de la violence (elle génère plus souvent un état dépressif)
- les femmes se suffisent de caresses superficielles
- un aidant sexuel peut contrôler la chaine de ses sensations/émotions et cognitions[4].
- une personne avec handicap se satisfera de touchers déconnectés des affects et des cognitions.
- la prostitution répond à la misère sexuelle (non, le proxénétisme profite de la misère sexuelle)
- la liberté, c’est le sexe sans conséquence
- la sexualité, c'est naturel : ça n'a pas besoin de s'apprendre
- les personnes sans handicap vivent une sexualité libre, sans obstacle majeur (surtout les français !)

9- Pourquoi créer une situation dérogatoire ?
- Les textes de 2002 et 2007 posent le principe de non discrimination. Pourquoi en matière de sexualité demander la réintroduction d'une dérogation ?

10- Pourquoi changer les textes sur le proxénétisme ?
- Comment justifier que pour satisfaire sexuellement un nombre très réduit de personnes (puisque le projet concernerait les personnes avec très grand handicap), il faille supprimer un texte qui vise à protéger des millions de femmes (et d’hommes et d’enfants) de la prostitution et de la traite des êtres humains[5]. Par méconnaissance de la réalité prostitutionnelle, j’espère.

Et enfin, si on parlait vrai : un savant mélange de malaise, de culpabilité ...
- le handicap  génère chez les valides un malaise profond, souvent compensée par une mise à distance plus physique ou psychologique. La revendication « aidant sexuel » portée par des personnes essentiellement IMC – présentant donc un lourd handicap physique mais des facultés intellectuelles intactes démultiplie le malaise chez les valides : gêne, culpabilité, honte, pitié… Autant d’émotions qui ne sont pas bonnes conseillères. Jusqu’à hier, on les cachait loin de notre vue pour s’en protéger. Aujourd’hui, on bascule dans l’inverse : il faudrait leur promettre le droit au bonheur … comme si on en détenait la clé !

... et de fantasmes !
- le valide pense «A sa place, je préfèrerais mourir ». Alors quand ce handicapé lui dit : « Je suis comme vous. J’ai envie de sexe ! ». C’est à proprement parler terrifiant et culpabilisant.

Il est alors difficile au valide de dire au handicapé que quoi que ce soit que nous mettions en place pour compenser, le handicap ne disparaitra pas. Nous pouvons essayer de l’aider à en repousser les limites, mais nous ne gommerons pas sa réalité – ni la nôtre. Et que les aidants sexuels ne disposent pas d’une potion magique que les autres n’auraient pas encore trouvée ! Sinon, il y a longtemps qu’ils auraient fait fortune.

Il faut vivre ce qu’on est, faire chacun notre travail d’exister. Et la sexualité, comme tous les actes de notre vie, mérite attention, découverte, apprentissages, exploration..., essais, prises de risques : Il y aura plaisirs, erreurs, douleurs parfois et si possible des ressentis extraordinaires de liberté, de dépassement et d’amour .... Mais ce n’est pas magique et ça ne s’achète pas ! Ça se construit jour après jour ....


Martine COSTES
L’ESPACE METANOYA




[1] M.Nuss milite pour la formation d'aidants sexuels pour que les grands handicapés bénéficient de prestations sexuelles, sur un modèle testé en Suisse. Pour la mise en oeuvre en France, il demande, avec le soutien de plusieurs fédérations, la modification du code pénal qui déclare proxénète tout « intermédiaire entre prestataire et client de services sexuels ».

[2] Relire les travaux du Dr Parent Duchâlet[2] (initiateur des maisons de tolérance pour enrayer la syphillis) ou Le Pornographe de Restif de la Bretonne (pour répondre aux intenses besoins sexuels masculins). En une génération, ils obtiennent le même résultat : violences, corruption, trafics et épidémies[2]. Les aidants sexuels nous apporterons des déboires similaires : désillusions, accidents, abus et revirement puritain.

[3] AMP, éducateurs, auxiliaires de vie, infirmiers, etc...
[4]    Cognitions : l'ensemble de valeurs, interdits, connaissances et des non-connaissances, croyances, idéologies, etc...

[5] C’est « faire office d’intermédiaire » que certains demandent de supprimer du code pénal (art 225-5 à 10). Cet article est conçu pour pouvoir interpeller des proxénètes quand la police ne peut pas apporter les preuves des pressions exercées ou des échanges d’argent. C’est ce qui permet d’arrêter recruteurs, passeurs et contrôleurs.

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