lundi 4 avril 2011

Pénalisation des clients de la prostitution

Un autre aspect du débat infernal : tolérer, organiser, interdire….




Aujourd’hui le Ministère de la Santé envisage pénaliser la prostitution. Comme en Suède, nous dit-on.

Pas tout-à-fait. En Suède on pénalise le proxénète et le client, oui. Mais pas la personne prostituée. La Suède analyse la prostitution comme une violence faite aux femmes. Donc, pas question d’ajouter une violence d’Etat à la violence de la situation de prostitution.

Alors qu’en France, jusqu’ici, on pénalise les proxénètes et depuis 2003, les personnes prostituées aussi. M. Sarkosy, alors Ministre de l’Intérieur avait réintroduit – 40 ans de dépénalisation - le délit de racolage – applicable aux seules personnes prostituées. Ainsi, elles risquent 2 mois de prison et 3000 euros d’amende. Et la police a fait le nécessaire pour appliquer très sévèrement ce texte (+ de 5000 arrestations en 2004). Et les rues de Paris sont devenues magiquement nikelchrome…

Avec la pénalisation du client, la France ne rejoindra donc pas la Suède mais les 70 pays prohibitionnistes du monde de : les USA, l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite, la Russie etc. Pour le client, c’est, selon les pays, une amende, de la prison, vingt coups de fouets, la peine de mort…

Dans tous ces pays, les peines les plus dures sont pour proxénètes – dans les textes. Dans les faits, ce sont les personnes prostituées qui sont le plus souvent arrêtées et punies car ce sont elles qui doivent prendre le risque de se montrer pour arriver à faire leur chiffre. Elles sont donc les plus faciles à attraper. Par ailleurs, même quand elles ont une clientèle huppée, elles ne bénéficient d’aucune protection – contrairement aux proxénètes et à bon nombre de clients.

Dans le monde, la majorité des femmes détenues le sont pour prostitution – et il est simple de comprendre que la prison ne va pas améliorer leur vie. Elles y rencontreront de nouvelles violences, souvent la drogue et à la sortie, elles sont plus endettées qu’en y entrant.

Alors que le monde entier s’émeut « idéologiquement » sur la misère des personnes prostituées, tout un chacun – même les plus humanistes continuent soupirer sur la fatalité du « plus vieux métier du monde », comme Monsieur Badinter excuse le monsieur très bien est arrêté avec une prostituée mineure « c’est difficile souvent de voir si elles ont plus de 18 ans... ». Quand c’est un grand footballeur, on nous explique la grande stratégie de carrière de la jolie call-girl de 16ans ½ … à se demander pourquoi on s’embête à pousser nos filles à faire des études ! Quand un président de la république italien s’offre des petites étrangères, jamais le mot traite des êtres humains n’est prononcé ! Et si l’actrice Charlize THERON a reçu un Oscar pour son interprétation dans MONSTER , les prostituées, elles, continuent d’être incarcérées – et parfois exécutées - sans pitié aux USA.
C’est le sujet sur lequel les solidarités masculines les plus viles fonctionnent à quasi 100/100. Et sur lequel les rivalités féminines entre femme légitime /maitresse /prostituée n’ont pas bougé d’un yota depuis la Grèce antique ! À chaque femme de défendre son territoire. Et depuis que chacune s’autonomise du mari, de l’amant ou du proxo, chacune est de plus en plus seule dans la lutte pour la survie.

Même les hommes prostitués se marrent : « C’est bizarre, les femmes doivent mal se débrouiller car elles sont très souvent arrêtées alors que nous, on a la paix… Les flics nous laissent tranquilles… », narguait un transsexuel dans une réunion publique à la Mairie du Xème en 2009.
Bref, celles qui sont sur le trottoir – soit on veut bien penser qu’elles l’ont choisi – soit ce sont de pauvres filles qui ne savent bien se défendre.
Entre pitié caritative, rejet idéologique, sarcasmes, hypocrisie et mépris, rien n’a bougé. Les quelques services sociaux assignés à ce travail voient leur financement fondre aussi vite que la police nettoie les rues pour nous faire savoir qu’il n’y a plus de problème !
Et c’est toujours la sécurité publique qui guide les grandes décisions. Y compris dans les quelques pays qui légalisent des bordels : ce ne ni pour soigner la misère sexuelle, ni pour prôner une quelconque liberté sexuelle, c’est tout simplement pour un meilleur contrôle de l’activité.
Comment penser qu’en France, la pénalisation des clients vise vraiment à protéger les personnes prostituées : le gouvernement se félicite de sa bonté pour n’avoir arrêté que 2315 personnes prostituées en 2009 – soit 55% de moins qu’en 2004. Mais une lecture attentive de cette évolution nous démontre qu’au contraire, après le nettoyage intensif des rues qui a amené tant de femmes à se cacher, à fuir – et nombre d’entre elles à être expulsées, la répression envers les femmes est encore plus dure aujourd’hui qu’en 2004 !
Rien n’a bougé. Nous restons entre fascination ou épouvantail, la vraie réflexion sur la fonction de la prostitution dans une société n’est pas encore menée !!! Et le contexte anxiogène mondial rend cette petite question si mineure que peu de médias s’y sont intéressés cette fois. Donc, la mesure risque d’être votée dans un désintérêt général total. La France pourra se faire croire qu’elle s’est alignée sur la Suède....
Martine COSTES PEPLINSKI – 4 avril 2011

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire